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Topic Actualités, Faits divers & débats interminables
Miles
posté Hier, 21:20
Message #56241


✪ Nestor Crew ✪
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Citation (Parisian @ 09/04/2024 22:07) *
Des gens sont morts et d’autres vivent sous protection pour avoir dit des choses sur l’Islam. Un proviseur a du démissionner parce qu’il a voulu faire appliquer la loi et faire retirer le voile a une morveuse. Ca n’est arrivé a aucune personne qui a perpétré un des nombreux actes antisemites des le 8 octobre (donc avant les bombardements). unsure.gif

C'est un peu plus compliqué que ça, ce qui ne justifie évidemment aucune menace de mort.
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Parisian
posté Hier, 21:28
Message #56242


Bobo
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Citation (Babou1 @ 09/04/2024 22:15) *
Et donc quel rapport ca permet de cracher sans probleme sur les musulmans ou arabes qui pour l'immense majorité n'ont rien a se reprocher ?
C'est quel genre de raisonnement ca ?
La prochaine etape c'est quoi, les musulmans en prisons parce que un nombre infinitésimal de dégénérés ont fait de la merde


En fait RegardZehef doit mieux exprimer ce que j’essaye de dire, à savoir ne pas comprendre la finalité de ton message, parce qu’a aucun moment je n’approuve les délires qui consistent à cracher sur toute une population, donc si c’est ce que tu as compris, je m’en excuse car c’était pas du tout le sens de mon message.

Juste que non, tu ne “touches” pas a l’Islam en toute impunité en France comme tu sembles le dire. D’un côté tu as bien des proces (si tu me dis que c’est pas autant que pour les juifs je vais être d’accord avec toi) et de l’autre t’as des troupeaux de connards qui te menacent et certains qui passent carrément a l’acte, avec des fdp qui vont sortir des “oui mais” .
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RegardZehef
posté Hier, 21:53
Message #56243


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QUOTE (Parisian @ 09/04/2024 21:28) *
En fait RegardZehef doit mieux exprimer ce que j’essaye de dire, à savoir ne pas comprendre la finalité de ton message, parce qu’a aucun moment je n’approuve les délires qui consistent à cracher sur toute une population, donc si c’est ce que tu as compris, je m’en excuse car c’était pas du tout le sens de mon message.

Juste que non, tu ne “touches” pas a l’Islam en toute impunité en France comme tu sembles le dire. D’un côté tu as bien des proces (si tu me dis que c’est pas autant que pour les juifs je vais être d’accord avec toi) et de l’autre t’as des troupeaux de connards qui te menacent et certains qui passent carrément a l’acte, avec des fdp qui vont sortir des “oui mais” .


Non mais surtout je comprends pas ce besoin de citer les juifs a tout bout de champ, qui en plus subissent agressions et propos racistes de facon croissante
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Miles
posté Hier, 22:12
Message #56244


✪ Nestor Crew ✪
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Citation (Aphasie @ 06/04/2024 15:08) *
Quelqu'un a un abo Mediapart ? Ils ont fait une série de trois épisodes sur CNews, et comme ils ont de temps en temps des infos intéressantes, j'aimerais bien pouvoir lire les trois si y'a possibilité (#gratteur) ph34r.gif :

https://www.mediapart.fr/journal/dossier/fr...-de-l-interieur

Spoiler :
Comment i-Télé est devenue CNews, « fabrique quotidienne de la haine »
Selon ses dirigeants, CNews serait une chaîne d’info comme les autres. En réalité, la télé du groupe Canal+ centre désormais ses débats sur ses obsessions sécuritaires et identitaires. De nombreux journalistes racontent à Mediapart sa dérive depuis sa reprise en main par Vincent Bolloré, en 2015.

Ce matin de l’été 2023, la rédaction est sous le choc. Le mot « CNews » est affiché sur un mur des toilettes des femmes de la chaîne. On n’y voit pas le logo rouge et noir habituel : quelqu’un s’est servi de ses excréments pour maculer le mur. Mais qui ?

Dans l’immeuble de CNews, les hypothèses fusent et la traque commence. Le directeur général de CNews, Serge Nedjar, visionne les images de vidéosurveillance, souhaite que l’on prélève de l’ADN et promet de retrouver le coupable.

Aujourd’hui, les journalistes de la chaîne ne connaissent pas le fin mot de l’histoire, mais ne sont pas si surpris par ce débordement. « On se dit que c’est un salarié qui a voulu exprimer sa colère et son mal-être », confie l’un d’eux. En interne en effet, plusieurs dénoncent le virage « réactionnaire » et « extrémiste » de CNews, tout comme les méthodes « brutales » de sa direction.

Plus de trente journalistes travaillant ou ayant travaillé pour la chaîne ont accepté de témoigner pour dévoiler les coulisses de « la fabrique quotidienne de la haine », ainsi que certains surnomment leur média. La seule condition : rester anonyme, pour ne pas subir de représailles ou risquer des poursuites pour celles et ceux qui sont parti·es en signant une clause de non-dénigrement.

Ces journalistes racontent comment le canal 16 de la TNT fait « primer l’opinion sur l’information » et « tord les faits pour coller à une ligne ultra-réac ». Chacun et chacune détaillent l’envers d’une « rédaction hyper-cloisonnée », où les journalistes n’ont pas leur mot à dire. Sur le terrain ou en régie, ils portent la culpabilité « d’avoir contribué à lancer un monstre », en bonne voie pour devenir la première chaîne info de France.

Comment en est-on arrivé là ? Pour mieux saisir la transformation progressive de CNews en chaîne d’opinion de la droite la plus dure, il faut revenir à 2015, quand le milliardaire breton Vincent Bolloré se fait magnat des médias et prend définitivement le contrôle du groupe Canal+, après avoir déjà pris les commandes de son actionnaire, Vivendi.

Il récupère au passage i-Télé, la chaîne d’information du groupe, et place à sa tête l’un de ses fidèles, Serge Nedjar. L’homme a déjà participé au milieu des années 2000 au lancement de la chaîne Direct 8 (devenue C8) et du journal papier du groupe, Direct Matin (rebaptisé CNews Matin et disparu en 2021).

Serge Nedjar hérite de la double casquette de directeur de la chaîne et de directeur de la rédaction. Il a rapidement l’occasion de remercier Bolloré pour sa confiance : fin 2016, la quasi-totalité de la rédaction se met en grève pour protester contre l’arrivée sur l’antenne de Jean-Marc Morandini, à l’époque mis en examen pour corruption de mineur – il a depuis été condamné.

Après un mois d’une grève historique, la plus longue de l’histoire de l’audiovisuel, la direction ne cède sur rien et montre la porte aux protestataires. La grève laisse la rédaction d’i-Télé exsangue : une centaine de journalistes, la quasi-totalité des effectifs, quitte la chaîne. Serge Nedjar hérite alors d’une mission délicate : rebâtir l’antenne, qui prend le nom de CNews en février 2017.

Les journalistes qui restent se divisent alors en trois camps. « Il y a ceux qui sont restés par absence de conviction, ceux plus rares qui ont immédiatement adhéré au personnage Bolloré, et enfin ceux qui, par faute d’opportunité professionnelle, ont été contraints de rester », se souvient un ancien rédacteur en chef.

Des sujets qui fâchent
Les premières années de CNews sont poussives et la ligne éditoriale peu affirmée. Selon les témoignages concordants que nous avons rassemblés, certaines consignes transmises aux journalistes laissent cependant présager du virage à venir. L’un affirme qu’on lui a demandé de retirer de l’antenne des images d’une manifestation contre les violences policières diffusées en appui d’un débat sur l’affaire Adama Traoré. Le terme « violences policières » est déjà proscrit depuis longtemps.

Un autre assure que Serge Nedjar lui a reproché d’avoir évoqué en direct les coupures de courant opérées par des grévistes CGT en lutte contre la réforme des retraites, en 2019. « Tu vas donner des idées aux gens », tempête-t-il, selon le récit du journaliste.

Questionnés précisément notamment sur ces points, les dirigeants de la chaîne n’ont apporté aucune réponse à Mediapart (voir notre boîte noire). Ils ne se sont pas plus expliqué sur un autre cas emblématique : en 2017, au moment où éclate l’affaire de l’emploi fictif de Penelope Fillon, Serge Nedjar interdit à ses journalistes d’en parler à l’antenne pendant plusieurs heures, au nom de la « présomption d’innocence », comme l’avait révélé le site Les Jours.

Au fil des ans, les sujets que la chaîne rechigne à mettre en avant se multiplient : les diverses procédures visant le groupe Bolloré en Afrique, la condamnation de Jean-Marc Morandini en 2023, le grave accident de la route provoqué en état d’ivresse par le fils d’Éric Zemmour la même année…

Les accusations d’agressions sexuelles visant Patrick Poivre d’Arvor, à partir de début 2021, ont aussi été longtemps invisibilisées sur CNews. « Tout le monde parlait de PPDA, sauf nous. Ça me rendait folle, se souvient une ancienne de la chaîne. Un jour, le parquet me confirme une information dans ce dossier. La rédactrice en chef me dit d’attendre le temps qu’elle demande à Serge Nedjar si c’était possible, puisque PPDA a eu une émission littéraire sur CNews [de janvier 2017 à janvier 2021 – ndlr]. C’est là que j’ai su qu’on ne pouvait pas parler de lui. »

Au fil des mois, le tournant ultra-réac de la chaîne s’affirme aussi de plus en plus clairement. « J’ai observé CNews passer d’une chaîne passablement de droite à une chaîne carrément d’extrême droite », se désole un ancien reporter, finalement parti dégoûté. « N’étant ni catholique, ni xénophobe, ni réactionnaire, j’ai décidé de démissionner l’an dernier », souffle un autre.

Le tournant Zemmour
De l’avis de l’intégralité des personnes que nous avons interrogées, ce grand virage identitaire s’incarne dans la figure d’Éric Zemmour. Au mois d’octobre 2019, l’émission « Face à l’info » est lancée. Présentée par Christine Kelly, elle permet chaque soir à l’éditorialiste du Figaro Magazine, qui était déjà invité régulièrement à l’antenne, de trôner en majesté pendant une heure et de dérouler son argumentaire xénophobe et réactionnaire, quasiment sans contradiction.

La rédaction tente bien de se rebeller et organise une assemblée générale, à laquelle s’invite Pascal Praud. Le présentateur de « L’Heure des pros », déjà une figure de la chaîne, sait bien que sa seule présence inhibera la parole et endiguera tout vent contestataire. Dans la foulée, il est nommé conseiller éditorial de la chaîne. « Aujourd’hui, Pascal Praud a pris une telle place au sein de la rédaction qu’il a le dernier mot en cas de désaccord avec le directeur de l’information [Thomas Bauder, nommé fin 2016 – ndlr] », relate l’un des vétérans de la chaîne.

L’émission d’Éric Zemmour fait régulièrement scandale, mais peu importe, pourvu que les audiences grimpent. Ce qu’elles font, de façon spectaculaire. Tout juste la chaîne accepte-t-elle au bout de quelques jours de passer l’émission en léger différé, afin de filtrer les propos les plus problématiques du polémiste d’extrême droite.

L’état-major de la chaîne assiste chaque jour religieusement en régie aux diatribes islamophobes et anti-migrants de l’auteur. « Un phénomène s’installe et on assiste à une “zemmourisation” de l’antenne », se souvient une journaliste. « Zemmour est un aspirateur à audiences, retrace un autre. Laurence Ferrari et Pascal Praud, dont les émissions sont diffusées avant et après la sienne, veulent aussi leur part du gâteau. En reprenant les mêmes thèmes ultra-réactionnaires, ils voient leurs audiences grimper. »

Le journaliste devient la poule aux œufs d’or de CNews, et est vite désigné comme intouchable. Lors de sa première, en octobre 2019, l’éditorialiste adresse à une cheffe d’édition une réflexion sexiste par SMS, que nous racontions déjà dans une enquête consacrée aux accusations de violences sexuelles le visant.

À la suite de l’incident, la cheffe d’édition est entendue dans le bureau de Serge Nedjar. Elle en ressort en pleurs, selon le récit de plusieurs témoins. « Nedjar l’a accusée d’avoir menti et d’avoir inventé ça pour nuire à Zemmour », témoigne l’un d’eux.

Pour certains journalistes, qui quittent alors la rédaction, la présence quotidienne du polémiste d’extrême droite est la goutte de trop. Car à l’instant où CNews a commencé à dérouler chaque soir le tapis rouge pour Éric Zemmour, le canal 16 de la TNT a cessé d’être une chaîne d’information. « Jusque-là, on faisait du BFM low cost. L’arrivée de Zemmour signe vraiment la fin de l’information au profit de l’opinion », se remémore un vieux briscard de la chaîne.

Ceux qui restent s’en désolent discrètement. Ce qui ne les empêche pas d’être parfois entendus, comme ce jour où, en plein direct, un employé lâche une violente critique visant Éric Zemmour. Les personnes présentes en régie et sur le plateau l’entendent, mais ne savent pas qui en est l’auteur.

Très vite, une chasse aux sorcières s’organise pour le retrouver. « Personne n’a parlé en plateau, j’en suis garante », clame Sonia Mabrouk, présentatrice maison depuis 2017, dans une boucle WhatsApp interne à CNews consultée par Mediapart. « Je confirme qu’on entendait la régie », cafte un journaliste politique. «Donc cela s’est produit en régie, en déduit Serge Nedjar. Je veux savoir qui a dit cela. Je ne lâcherai pas l’affaire », menace-t-il.

Le patron veut à tout prix protéger sa vache à lait brune. Il se trouve d’ailleurs bien incapable de masquer sa déception lorsque, à l’automne 2021, l’autorité de régulation de l’audiovisuel – le CSA, devenu depuis l’Arcom – somme CNews de comptabiliser son temps de parole parmi celui des responsables politiques. L’éditorialiste s’apprête, il est vrai, à entrer en campagne présidentielle.

Plus tard, Serge Nedjar se voit alors contraint de déprogrammer son joyau de l’antenne. « C’est malheureux mais on ne peut pas prendre du É. Zemmour et du Reconquête. Merci au CSA d’influer sur notre éditorial », enrage par exemple le directeur général de la chaîne dans la même messagerie interne lorsque le parti politique de Zemmour est créé.

La naissance d’une chaîne d’opinion
Devant les courbes d’audience qui s’envolent pour Éric Zemmour, Serge Nedjar et Thomas Bauder, pensent avoir enfin trouvé leur modèle économique : des débats à longueur d’antenne, moins chers à produire que les reportages, avec des invité·es pioché·es à la droite de la droite, aux opinions tranchées.

« On commence alors à s’affranchir de plus en plus nettement des règles sur le pluralisme de l’antenne. Mais comme la chaîne est déficitaire et que ce modèle fonctionne, on continue », raconte un ancien, proche des cercles décisionnaires. Des exclusivités sont signées avec des éditorialistes, très majoritairement de droite et d’extrême droite, qui se voient garantir des quotas d’interventions hebdomadaires. Ils déboulent sur les plateaux jusqu’à une dizaine de fois par semaine, sans avoir besoin de connaître le sujet débattu.

« L’idéologie de CNews s’exprime mieux en plateau, commente un journaliste de la chaîne. La direction s’est rendu compte qu’il était plus difficile de travestir la réalité en reportage. » Les journalistes que nous avons interrogé·es regrettent toutes et tous la réduction à peau de chagrin du travail de terrain.

Les reporters de CNews sont peu nombreux et doivent souvent se dédoubler. Plusieurs sont à la fois caméraman, rédacteur et monteur, une triple qualification qui permet de réduire les coûts. « On ne nous demande pas vraiment du reportage, mais plutôt du prêt à débattre pour lancer les plateaux », détaille l’un d’eux.

« Les journalistes responsables d’animer les différentes tranches de l’antenne se voient imposer des invités et des thèmes, souvent les mêmes, et disposent d’éléments pour lancer les débats : des petits reportages, témoignages et beaucoup de micro-trottoirs, décrit un ex-rédacteur en chef. Le travail de la rédaction est ainsi instrumentalisé et permet de crédibiliser les débats. »

Un journaliste résume ainsi ce qui fait le succès de CNews : « On fait beaucoup de faits divers, comme les autres chaînes. Notre différence, c’est qu’on apporte une lecture politique. On décrit une France à feu et à sang et on désigne des responsables : l’immigration, les musulmans, les jeunes de banlieue. »

Au cœur de la mécanique de la propagande de CNews, se trouve la conférence de rédaction du matin, animée à 9 heures par le directeur de l’information Thomas Bauder, et à laquelle participent seulement les « chefs de tranche » – la journée d’antenne est découpée en tranches horaires.

Le responsable y dessine les grands thèmes de la journée, en général moins de quatre, qui seront déclinés tout au long de la grille. « Il sélectionne des sujets qui collent aux thématiques porteuses pour notre audience, explique un fin connaisseur de ces réunions matinales. Ces thématiques ont été identifiées grâce aux mesures d’audience fournies par Médiamétrie quasi minute par minute. »

CNews recrute dans l’école de Marion Maréchal
Le virage idéologique de la chaîne est encore loin d’être approuvé par celles et ceux qui sont resté·es pour des raisons économiques. « Je ne regarde jamais l’antenne, je ne préfère pas savoir ce qu’on fait de mon travail, je le vis mieux comme ça », confie un rédacteur. Les reporters d’images racontent être expédiés sur le terrain sans angle précis, avec pour seule mission d’envoyer au siège des images et du son. « On nous laisse libres et ensuite, les chefs n’utilisent que ce qui les intéresse », détaille un journaliste de terrain.

Mais dans les rues de France, la tâche n’est pas forcément aisée. « On paye sur le terrain les pots cassés pour les insanités dites à l’antenne », se désole un journaliste. Plusieurs reporters racontent leur difficulté à trouver des personnes acceptant de parler à la caméra de CNews.

Au point qu’il faut ruser. Parfois, ils troquent le micro floqué CNews pour un micro Canal+, moins connoté. D’autres fois, plus rares, il leur arrive de mentir à la personne interviewée : « J’ai déjà fait un duplex et assuré à une manifestante qu’elle était en direct sur Canal+, alors que c’était pour CNews », confie une ex-journaliste.

Celles et ceux qui n’ont pas fui face à la dérive de l’ancienne i-Télé continuent à assister à l’extrême-droitisation de CNews. Un phénomène qui s’observe jusque dans les recrutements récents : selon nos informations, plusieurs stagiaires ou alternant·es ont été recruté·es dans les rangs de l’Issep, l’école lyonnaise fondée par Marion Maréchal. L’établissement s’en félicite d’ailleurs ouvertement.

Bahia-Carla Stendhal, influenceuse d’extrême droite, soutien d’Éric Zemmour et récente recrue de Cyril Hanouna le week-end sur C8, fut également un temps chargée des bandeaux diffusés à l’antenne. Elle a été ensuite assistante de présentation. Aux côtés de plusieurs autres recrues récemment débauchées de Valeurs actuelles ou de L’Incorrect, ces jeunes radicaux forment le nouveau visage de CNews. Radicalement de droite et résolument conservateur. « On se fait “grand-remplacer” par l’extrême droite », ironise un journaliste chevronné de la chaîne.

Yunnes Abzouz et David Perrotin

Spoiler :
Intox et obsessions identitaires : révélations sur les secrets de fabrication de CNews
De nombreux documents internes obtenus par Mediapart montrent comment la chaîne fait l’impasse sur les règles déontologiques élémentaires pour stigmatiser musulmans et étrangers, épargner coûte que coûte la police et criminaliser les mouvements sociaux.

Absence de vérification, intox et primauté de l’opinion sur l’info : CNews ne s’embarrasse pas des règles déontologiques et des faits quand il s’agit de conforter ses obsessions identitaires et de donner à voir à son public l’image d’une France mise en péril par l’islam et l’immigration. La preuve par les messageries internes.

Devant l’Assemblée nationale en février dernier, les dirigeants de CNews, qui ont tous refusé de nous répondre (voir notre boîte noire) ont juré que leur chaîne privilégiait l’information et ont « fermement » contesté représenter une chaîne d’opinion. De nombreux documents internes – des mails, des SMS, des notes de tournage –, mais aussi des milliers de messages provenant de boucles WhatsApp internes, que Mediapart a pu obtenir, montrent qu’il n’en est rien et que ce virage vers l’extrême droite (décrypté dans notre enquête précédente) est savamment pensé.

Ces messageries, dans lesquelles les rédacteurs en chef, le directeur de l’information Thomas Bauder, les journalistes en CDI et le directeur de la rédaction Serge Nedjar discutent, montrent comment l’information peut être totalement biaisée par leurs obsessions : traquer tous les faits divers pour en faire des « faits de société », sur les banlieues, les musulman·es ou les personnes étrangères.

« Je sais qu’il y a une sorte de fantasme puisqu’on ne parlerait que de quatre ou cinq thèmes par jour et ce serait récurrent, et on tournerait en boucle sur les mêmes sujets », lançait Thomas Bauder à l’Assemblée nationale avant de démentir ce préjugé. Il dressait ensuite le portrait d’une équipe collective, avec des conférences de rédaction « ouvertes » et « collégiales », comparables à celles des chaînes concurrentes.

Mais, selon une trentaine de journalistes contacté·es par Mediapart, les réunions ne sont que des chambres d’enregistrement des décisions prises par la direction. Jusqu’à récemment d’ailleurs, une note récapitulait chaque matin pour les équipes les sujets à décliner durant la journée. Trois « dominantes » par jour, sur des sujets toujours semblables et toujours choisis en amont.

L’obsession du fait divers
Chez CNews, le service police-justice est l'un des plus étoffés et le plus sollicité. Au fil de la journée, ses journalistes inondent la boucle WhatsApp d’informations venues tout droit des syndicats de police ou de différentes sources policières. Leur mission principale : confirmer les informations de la concurrence avant de pouvoir les glisser dans le bandeau déroulant au bas de l’écran ou les faire évoquer à l’antenne.

Parfois, comme le 25 avril 2022, Thomas Bauder le rappelle comme une priorité à ne pas oublier : « J’aimerais que l’on fasse remonter les histoires, faits divers, événements symboliques ou représentatifs de l’actualité policière en Île-de-France et/ou en région », écrit-il. « Comme d’habitude en fait », s’amuse une journaliste.

Progressivement, le spectre des sujets abordés se sont en effet rétrécis, comme la place des reporters à l’antenne. « On nous a dit de plus en plus qu’il n’y avait pas de place pour les journalistes sur les plateaux, témoigne une journaliste ayant quitté CNews. On a délaissé les grands sujets d’actualité pour se concentrer sur les faits divers. La femme violée par un homme sous OQTF [obligation de quitter le territoire français – ndlr] devient un sujet dont on doit tirer le fil jusqu’au bout. »

Ces informations servent aux JT de chaque tranche horaire et alimentent surtout les heures de débat à l’antenne, visant à prouver que l’islam et les personnes étrangères sont un problème en France. Quitte à ce que les présentateurs et présentatrices laissent prospérer de nombreuses approximations, erreurs ou fake news.

« Ce qui est de plus en plus compliqué, c’est de se retrouver en plateau avec des gens qui te contredisent », dénonce la journaliste précédemment citée. Les exemples sont légion, comme le 13 décembre dernier, lorsqu’une journaliste de la chaîne tente de corriger les nombreuses erreurs de l’éditorialiste Élisabeth Lévy à propos de l’affaire Samuel Paty :

[VIDEO]

Pendant plusieurs années, les journalistes devaient surtout vérifier les infos venues des grandes rédactions : l’AFP, Le Parisien ou la presse quotidienne régionale. Peu à peu, les sources d’extrême droite se sont ajoutées et la chaîne a même noué un partenariat avec le compte « Cpasdeslol », dont la spécialité est de diffuser sur les réseaux sociaux des vidéos d’agressions sans le moindre contexte. « Les autres chaînes regardent Le Parisien, nous on scrute aussi Boulevard Voltaire ou Valeurs actuelles, qui est devenu notre bible », complète un salarié toujours en poste.

« En juillet 2022, ma rédactrice en cheffe m’a envoyé deux articles de Fdesouche [site historique de la fachosphère – ndlr] en me demandant de confirmer leurs informations pour les reprendre, explique une reporter ayant depuis claqué la porte. J’ai regardé mon mec et j’ai dit que ce n’était plus possible. »

Souvent, c’est même Thomas Bauder lui-même qui ordonne de vérifier tel article de Fdesouche, telle info relayée par le cadre de Reconquête Damien Rieu ou telle vidéo de Gilbert Collard, autre soutien d’Éric Zemmour. « Merci d’identifier cette vidéo lieux/date/source », demande-t-il le 4 janvier 2023 à propos d’une vidéo postée par Damien Rieu.

Sur les images du militant d’extrême droite, un homme qui serait en train de prier dans le métro parisien. « On contacte la RATP pour réaction. Merci », insiste-t-il. « On peut prier à 14 heures, avec des chaussures et dans un lieu pas propre et un transport qui peut ne pas avoir une direction en ligne droite ? », ironise une journaliste police-justice, faisant référence aux stricts préceptes qui entourent les prières musulmanes. Le même jour, France Info a relevé que sur une autre vidéo relayée par le militant identitaire, l’homme prétendument en train de prier était en réalité en train de mendier.

L’obsession de la nationalité
Comme le parti d’Éric Zemmour, CNews est aussi obsédée par la nationalité des auteurs de crimes et délits. À chaque fait divers, la direction insiste pour que ses journalistes puissent obtenir et diffuser la nationalité des mis en cause. « Si l’individu était d’origine maghrébine ou africaine, je devais le mentionner. Si le mec était irlandais, je n’avais pas besoin de le préciser », confirme un ancien journaliste en poste jusqu’à 2023, chargé de remplir le bandeau de la chaîne.

« Merci de préciser la nationalité des condamnés », insiste par exemple Serge Nedjar en 2022 dans une boucle interne auprès d’une journaliste qui s’apprêtait à relayer la condamnation d’un Algérien pour vol avec violence.

« Oui bien sûr, je le fais dans mes papiers. Pardon, j’ai oublié ici », répond-elle avant de corriger son erreur. La priorité est telle que CNews ne s’embarrasse même plus des règles déontologiques exigeant de recouper toute information avant de la livrer.

Le 8 juin 2023, un homme blesse au couteau quatre adultes et deux enfants dans un parc à Annecy. On sait encore peu de chose sur le mobile de l’acte et le profil du suspect. Le service police-justice s’active, et une journaliste livre des informations, tout en demandant de ne pas les diffuser.

« Ne pas donner. Suspect Abdalmasih H, né le 01/10/1991 en Syrie. S’exprime en anglais. Ne pas donner le nom. Identité en cours de vérification, écrit-elle dans le groupe WhatsApp de CNews. Le suspect est entré régulièrement sur le territoire. Il est demandeur d'asile.» « On donne, on donne », exige immédiatement Thomas Bauder. L’info n’est pourtant pas consolidée. Trente minutes plus tard, sur le plateau de Sonia Mabrouk, la journaliste s’exécute.

Les débatteurs dissertent alors sur les motivations de l’assaillant et font un lien avec Daech et le terrorisme islamique. Tant pis si le parquet antiterroriste n’est pas saisi et si l’assaillant, actuellement incarcéré dans une unité hospitalière, se révélera être un Syrien de confession chrétienne.

Interrogée à l’Assemblée, Sonia Mabrouk a pourtant pris de longues minutes pour détailler son professionnalisme. « Je n’ai jamais au grand jamais donné une information qui n’était pas vérifiée. J’ai toujours préféré être en retard sur une information plutôt que prendre une avance qui pourrait m’être reprochée », a-t-elle affirmé. Et pourtant.

« Midi News », le 13 décembre 2023. Sonia Mabrouk est en direct et repère une information du Parisien pendant la coupure publicitaire. Une élève de 12 ans a pourchassé sa professeure avec un couteau dans un collège à Rennes. « On peut en parler ? », demande-t-elle par message à 13 heures au rédacteur en chef. « Attendons les confirmations d’[une journaliste], elle est dessus », rétorque-t-il. Elle insiste : « Je peux dire selon Le Parisien ? » « Attendons, elle est au téléphone avec ses sources », répète le rédacteur en chef.

La présentatrice n’attend pas la confirmation et donne l’info à l’antenne deux minutes plus tard. « Je préfère rester au conditionnel avant de joindre notre journaliste sur place, je vous rappelle la phrase qu’aurait prononcée cette enfant : “Aujourd’hui je veux être moi-même pour faire comme Arras” [en référence à l’assassinat de Dominique Bernard le 13 octobre précédent – ndlr] », ajoute-t-elle plus tard, une fois que l’académie de Rennes confirme les faits.

Sonia Mabrouk compare cette agression à « l’affaire Samuel Paty », puis les invités prennent le relais, échangent sur l’islam, les entorses à la laïcité, et l’essayiste Élisabeth Lévy rapporte les propos « d’un ami d’ami qui est instituteur ».

Celui-ci enseignerait dans une classe dont les seuls Blancs seraient « trois Turcs », et aurait regretté de n’avoir pas pu signaler l’une de ses élèves qui avait « posé un coran sur la table ». Dans l’émission suivante, on poursuit la comparaison jusqu’à diffuser une infographie sur la laïcité et les musulmans à l’école.

Sur WhatsApp, une journaliste police-justice est contrainte de rappeler quelques règles. « Attention, on ne sait pas si la gamine est musulmane. Donc passer le sondage sur la vision de l’attentat d’Arras par les musulmans dans le cadre de cette affaire de Rennes, c’est un gros gros gros raccourci », écrit-elle. Trop tard. L’élève en question n’est pourtant pas musulmane. Cette jeune fille a des troubles psychiatriques, est d’origine mongole et est athée. Mais aucune excuse ni remise en cause ne seront diffusées sur CNews.

L’obsession des musulmans
Plonger dans les conversations des journalistes de CNews, c’est découvrir les biais totalement assumés de la chaîne. Comme l’a récemment calculé Sleeping Giants, un collectif qui lutte contre le financement publicitaire de médias propageant des « discours de haine », les bandeaux de la chaîne ont parlé d’islam et d’immigration 335 jours sur 365 en 2023.

Pour arriver à ce score, toute la rédaction est chargée de trouver le moindre fait divers permettant de soutenir cet agenda. Elle n’hésite pas non plus à mettre de côté les infos qui nuanceraient leur obsession, comme le 20 décembre 2023.

Cet après-midi-là, le service police-justice reçoit une alerte qu’elle pourra estampiller « Info CNews ». « En fin de matinée à Cholet, un élève de 14 ans du collège Clemenceau a menacé de mort en jurant sur le Coran son professeur de mathématiques qui venait de lui faire une remarque sur l’usage de son téléphone », révèle une journaliste.

Une info en or pour la chaîne de Vincent Bolloré, d’autant que l’élève en question a été placé en garde à vue. Mais quelques minutes à peine avant sa diffusion, rétropédalage de la rédaction. « Affaire de Cholet laissez tomber !!!! […] Il n’y a eu aucune référence au Coran !!! Aucune menace de mort... », alerte un rédacteur en chef.

Comme l’explique Ouest-France, l’élève a d’abord menacé un professeur qui voulait lui confisquer son téléphone, avant d’en frapper un autre qui tentait de le maîtriser. L’élève n’est pas musulman, l’info est donc retirée « in extremis » du conducteur.

La rédaction, ultradépendante de ses sources policières, caresse dans le sens du poil les syndicats de police invités quotidiennement sur ses plateaux. Jusqu’à bannir des termes ou des affaires qui pourraient abîmer leur image. Et quand les images captées par les reporters ne collent pas à la ligne maison, elles sont balancées à la poubelle.

Un journaliste raconte avoir couvert une manifestation dans le sud de la France et capturé avec sa caméra une violente charge policière : « Je prends un coup de bouclier qui me fait tomber. Sur les mêmes images, on voit aussi un manifestant se tordre de douleur après avoir été visé à bout portant par un flash-ball dans le ventre. » À l’antenne, ces images ne sont pas diffusées. « On ne prend pas, nous ont dit les chefs », se souvient le journaliste.

« On ne m’envoyait pas couvrir les procès de violences policières car cela n’existe pas selon eux », explique une autre reporter partie depuis. Et les rares fois où CNews en couvre, le traitement est toujours en faveur des forces de l’ordre. Le silence est de mise lorsque les faits sont trop accablants.

En mai 2022, Laurence Ferrari veut reprendre à l’antenne une information du Point à propos d’un policier qui a ouvert le feu sur une voiture après un refus d’obtempérer. « Pas sûr que ce soit conforme à nos centres d’intérêt. Le coup est parti de manière accidentelle quand le policier a voulu briser la vitre avec la crosse de son arme, précise le service police-justice. Donc y aura moyen légitime défense. » « Ok, compris », répond Laurence Ferrari qui abandonne finalement le sujet.

Un mois plus tard, des policiers sont mis en cause pour avoir tué la passagère d’un véhicule qui refusait d’obtempérer dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Consigne est donnée de vérifier les antécédents de la victime pour la criminaliser.

« En l’occurrence, elle ne conduisait pas et ne connaissait pas le conducteur, donc mentionner son passé n’a pas de justification journalistique, sauf à [...] porter le discrédit sur elle alors qu’elle n’est soupçonnée de rien », s’agace une journaliste. Mais Pascal Praud ne veut rien savoir : « Il est important de savoir qui parle ! Toutes les paroles ne se valent pas ! Et nous devons les mettre en perspective ! », écrit-il dans la boucle.

Fait esseptionnel le 19 janvier dernier, journée du verdict dans « l’affaire Théo » : CNews est présente au tribunal. Mais si la chaîne diffuse le témoignage du jeune homme violemment agressé par des policiers en 2017, en plateau, les « centres d’intérêt » sont préservés.

On rend hommage aux policiers mis en cause et Pascal Praud n’hésite pas à dénoncer Théo, assurant que la victime n’avait pas à se « mêler » d’une interpellation. Vers 20 heures, la décision judiciaire tombe, les policiers sont condamnés à de la prison avec sursis. La chaîne diffuse l’interview de l’avocat de Théo puis les images du tribunal, alors que de nombreux soutiens de Théo contestent la décision de justice jugée trop faible.

Colère du directeur de l’information sur WhatsApp : « On arrête de montrer les images des contestataires de la décision de justice. » À l’antenne, le présentateur Eliot Deval coupe la diffusion du duplex et promet de reprendre la reportrice en direct « si elle tend le micro à la famille de Théo, à ses avocats ou aux avocats des policiers ». Par message, le présentateur précise en réalité à la journaliste qu’elle ne réapparaîtra que si elle « met en direct Thibault de Montbrial », l’avocat des policiers.

Décrédibiliser les mouvements sociaux
Au sein de la deuxième chaîne d’info de France, la neutralité tombe aussi lorsqu’il s’agit de couvrir certains mouvements sociaux. Plusieurs journalistes interrogés par Mediapart dénoncent les questions récurrentes de certains présentateurs pour les faire parler de « black blocs » ou de « tensions », même lorsqu’ils sont totalement inexistants.

« Sur une manif, je disais que c’était calme, bon enfant, mais le présentateur me relançait systématiquement sur les échauffourées, raconte une ancienne reporter. Je le démentais un peu en disant que ce n’était pas ce que je voyais là où je me trouvais, mais c’était compliqué en direct. » D’autres dénoncent aussi certaines consignes assumées par la direction.

Exemple le 18 octobre 2022, lors d’une journée de grève dans les transports et avant plusieurs manifestations. En interne, le rédacteur en chef rappelle ce que la chaîne doit rendre visible : « Surtout, nous voulons entendre vos interlocuteurs sur le terrain, ceux qui sont confrontés à la pénurie de carburant, aux trains supprimés... »

Et lorsque Europe 1 interviewe une auditrice qui n’a pas de mots assez durs contre les grévistes lors de la grève SNCF du 15 février dernier, il faut arroser l’antenne de ce « sonore ». « Moi je les déteste, je les hais à un point… C’est dommage que je ne puisse pas les avoir devant moi », lance la femme à propos des grévistes. Du miel pour Serge Nedjar, qui intervient immédiatement sur la boucle WhatsApp : « Cet extrait d’Europe 1 doit passer dans nos débats sur la grève SNCF. »

Sur le canal 16 de la TNT, les violences sont aussi à montrer en priorité. « Pas de pubs tant qu’il y a des feux de poubelles et autres violences », exige Thomas Bauder lors d’une manifestation contre la réforme des retraites en février 2023. « Si feux, on casse la pub », écrit-il en avril lors d’une autre mobilisation.

À la même période, un reporter commente la fin d’une manifestation parisienne en évoquant des « éléments radicaux » venus en découdre avec la police une demi-heure plus tôt. Il décrit comment ils « ont tout de même dégradé du mobilier urbain, mis le feu à certaines poubelles et [...] tenté de dessouder un panneau de signalisation pour attaquer une banque ».

Ce reporter n’a en réalité rien vu, et cite des sources policières sans le préciser. C’est Amaury Bucco, désormais journaliste à Valeurs actuelles, qui avait relayé le récit dans la boucle WhatsApp. « Je peux le dire ? Nous ne l’avons pas vu de nos propres yeux », avait tout de même interrogé le reporter sur le terrain. « Bien sûr », avait validé son confrère.

À l’antenne, tout semble permis, pendant que des journalistes s’en désolent en petit comité. « Les punaises de lit n’ont rien à voir avec un [problème] d’hygiène », lâche ainsi une journaliste sur la messagerie interne le 29 septembre dernier, quand Pascal Praud croit bon de lier cette question sanitaire à l’immigration et aux « personnes qui n’ont pas les mêmes conditions d’hygiène que ceux qui sont sur le sol de France ».

Cette sortie a depuis valu à Pascal Praud une mise en garde de l’Arcom. L’une des 42 sanctions adressées depuis 2012 aux chaînes de Bolloré par le gendarme de l’audiovisuel. Mais qu’importe, au fond : chez CNews, l’opinion la plus radicale est reine, et les remarques, les faits ou les condamnations ne pèsent plus grand-chose.

Yunnes Abzouz et David Perrotin

Spoiler :
Pascal Praud, l’heure des cibles
Le présentateur de CNews s’est fait une spécialité de jeter en pâture dans ses émissions des personnes qu’il accuse de vouloir censurer les voix de droite, déclenchant contre elles des torrents de menaces de morts et d’insultes. Il sera jugé en juin pour diffamation.

Quelques heures seulement après l’assassinat de Dominique Bernard dans un lycée d’Arras, un élu Rassemblement national s’en prend dans un communiqué à deux adjoints écologistes de la mairie de Rennes. Il les accuse de s’être mobilisés en 2014 contre l’expulsion de la famille du terroriste Mohammed Mogouchkov, alors âgé de 11 ans. « Notre plus grande crainte, c’était que les médias Bolloré embrayent, que nos noms soient cités chez Pascal Praud ou Cyril Hanouna. Là, ça aurait généré des horreurs », se souvient l’une des cibles.

Par chance, les deux adjoints ne deviendront jamais le point de mire des deux vedettes de la télé-Bolloré. Mais toutes les cibles anonymes de l’extrême droite et de la droite radicalisée n’ont pas eu cette veine. Pascal Praud, en particulier, s’est fait une spécialité de désigner des inconnus du grand public à la vindicte populaire, les accusant de vouloir museler les voix de droite. Des anonymes dont il n’hésite pas à divulguer les noms dans ses émissions, les jetant ainsi en pâture et déchaînant sur eux la foudre des aficionados de CNews les plus radicalisés.

C’est le calvaire qu’a connu Jean-Jacques Basier, au printemps 2021, lorsqu’il était encore le discret directeur de France 3 Centre-Val de Loire. L’affaire naît d’une histoire anodine, révélée par Le Canard enchaîné. On apprend alors dans les pages de l’hebdo satirique que France 3 refuse de diffuser un documentaire produit par la municipalité (Les Républicains – LR) d’Orléans sur les fêtes de Jeanne d’Arc. Aucun contrat ne liait les deux parties, la chaîne publique avait seulement rédigé une lettre d’intention, sans s’engager outre mesure.

Seulement, le directeur de France 3 Centre-Val de Loire apprend que la voix « off » du documentaire est assurée par Charlotte d’Ornellas, ex-journaliste de Valeurs actuelles, et qui a suivi Geoffroy Lejeune au Journal du dimanche dans ses travaux pour repeindre l’hebdo dominical en journal de la droite identitaire, teinte Bolloré. Jean-Jacques Basier pose alors son veto, comprenant que le documentaire servira davantage une vision idéologisée des fêtes johanniques qu’un récit rigoureusement historique.

Le visionnage de la version finale lui donne d’ailleurs raison : « Le documentaire commence par des chants religieux et est agrémenté d’interviews du maire, de l’évêque, et du commandant de la base militaire de Bricy – qui fustige “la repentance et l’oubli” et implore que “la France reste la France” », se souvient l’ex-directeur de France 3.

Placement sous protection policière
Tout déraille lorsque Pascal Praud se saisit de l’affaire et l’évoque le 30 avril 2021 devant son désormais petit million de spectatrices et spectateurs quotidiens. Entre deux saillies bolloréennes, dénonçant une « censure » et vitupérant les « petits commissaires du peuple », il s’en prend violemment à Jean-Jacques Basier, dont il cite le nom plusieurs fois et à dessein. Le maire LR d’Orléans, Serge Grouard, est aussi présent en visio. Tout heureux de voir sa version des faits triompher, il dénonce une « police de la pensée ».

Praud, ivre de sa toute-puissance sur la TV Bolloré, ose dire que ces gens de France 3 « sont les mêmes qui auraient tondu à la Libération ». Le maire d’Orléans est même invité sur le plateau de l’« Heure des pros », son émission quotidienne sur CNews. L’occasion pour le présentateur de répéter le nom de Jean-Jacques Basier à celles et ceux de ses fidèles qui auraient oublié l’identité du responsable de cette supposée machination contre « la droite identitaire ».

« Jean-Jacques Basier. Je vais donner son nom plusieurs fois, tiens », s’amuse la tête de gondole des médias Bolloré. En prononçant le nom du directeur de France 3 Centre-Val de Loire, Pascal Praud était-il conscient de la vague de menaces de mort et de haine qui allait bouleverser le quotidien paisible de Jean-Jacques Basier ? Contacté, l’animateur n’a pas souhaité nous répondre de manière précise sur cette affaire.

« À partir du moment où Praud parle de cette affaire, ça a été un déchaînement total de haine contre moi », déplore l’ex-directeur régional de la télé publique. En l’espace de trois mois, il reçoit une cinquantaine de courriers d’insultes et de menaces dans la boîte aux lettres de son domicile privé et des coups de fil anonymes. Il est traité de communiste, « d’ordure socialo ennemi de l’Occident », accusé de travailler pour « les francs-maçons de gauche ».

On lui promet de « le crever » et de lui rendre « une petite visite façon Tapie », en référence au violent cambriolage dont fut victime l’homme d’affaires, lors duquel il avait été roué de coups, en 2021.

Une plainte contre X est rapidement déposée et les services de police prennent très au sérieux les menaces de mort proférées. Une protection policière est mise en place pendant deux semaines. « Ma fille et ma femme étaient tétanisées, elles voyaient mon téléphone perso sonner toute la nuit, les courriers dans notre boîte aux lettres, les menaces sur les réseaux sociaux, confie Jean-Jacques Basier, visiblement pas encore remis de cet épisode. Je vérifiais en sortant de chez moi si quelqu’un ne m’attendait pas avec une batte de baseball. »

Jean-Jacques Basier a reçu plusieurs dizaines de messages et une cinquantaine de courriers de menaces et d'insultes. © DR / Illustration Justine Vernier
Un homme lui laisse même un message vocal d’insultes et de menaces (voir notre vidéo) sur son répondeur, oubliant de passer l’appel en numéro masqué. Une erreur qui permettra à la police de l’identifier et à la justice de le condamner à 500 euros d’amende avec sursis pour menaces de mort sur une personne chargée d’une mission de service public.

Le tribunal justifie sa clémence au regard de la gravité des faits par le profil pénal de l’auteur : un homme de 62 ans, aux très faibles revenus et sans antécédent judiciaire. « C’est cela l’effet Praud, il agite et met en mouvement de pauvres types désespérés », se désole Jean-Jacques Basier.

Peu de temps après ces événements, il décide de quitter le service public, déplorant le manque de soutien de la direction de France Télévisions face aux attaques. « Le directeur du réseau, les autres directeurs régionaux et les syndicats m’ont tous soutenu. Tous, sauf Delphine Ernotte [présidente de France Télévisions – ndlr] », déplore Basier.

Les attaques récurrentes de CNews et Cyril Hanouna sur le service public, ça fait cinq ans que ça dure.

Stéphane Sitbon-Gomez, numéro 2 de France Télévisions
France Télévisions, qui lui a apporté son assistance juridique dans son dépôt de plainte contre X, n’a pas souhaité assigner Pascal Praud et CNews en justice. « Je ne me souviens pas que Jean-Jacques Basier ait évoqué auprès de moi son souhait de porter plainte contre CNews », explique Stéphane Sitbon-Gomez, directeur des antennes et des programmes de France Télévisions et qui avait géré le dossier à l’époque. Nous avons de toute façon pour principe de ne pas porter plainte en diffamation contre d’autres médias, ce n’est pas compatible avec notre volonté de défendre la liberté des rédactions et des médias », ajoute le numéro 2 de France Télévisions, également cible régulière des railleries de l’animateur.

« Les attaques récurrentes de CNews et Cyril Hanouna sur le service public, ça fait cinq ans que ça dure, s’exaspère Stéphane Sitbon-Gomez. Je considère que la meilleure façon d’y répondre, c’est en continuant à proposer des contenus et des programmes de qualité sur le fond et de ne céder à aucune intimidation. »

Pascal Praud jugé en juin prochain
Le cas de Jean-Jacques Basier est loin d’être un cas isolé. Une enseignante de Sciences Po-Grenoble en a aussi fait les frais.

Retour en mars 2021, lorsque deux enseignants, Klaus Kinzler et Vincent T., sont la cible d’affiches placardées sur la façade de l’IEP de Grenoble : « Des fascistes dans nos amphis Vincent T. […] et Klaus Kinzler démission. L’islamophobie tue. » L’affiche est rapidement retirée, mais la polémique enfle et CNews, comme plusieurs médias et politiques, dépeint une université infiltrée par « l’islamo-gauchisme ». L’affaire est bien plus complexe que cela et part d’une enseignante victime de harcèlement, mais la chaîne de Bolloré préfère rendre le débat beaucoup plus simpliste.

Ce 9 mars 2021, Pascal Praud, qui enchaîne les erreurs factuelles, décide de nommer un bouc émissaire. Il accuse Anne-Laure Amilhat Szary, directrice du laboratoire Pacte, rattaché à l’IEP, d’avoir divulgué le nom des deux professeurs et d’avoir contribué à ce que des gens placardent des affiches sur les murs de l’institut. Tout est faux, mais qu’importe, il va jusqu’à citer à plusieurs reprises le nom du laboratoire et celui de la chercheuse.

« Puis intervient ce laboratoire Pacte avec cette dame, je vais citer son nom, Anne-Laure Amilhat Szary. Cette dame-là, c’est la directrice du laboratoire, cette dame, c’est une militante […] qui avance avec le sentiment d’impunité, et c’est très révélateur parce qu’on voit le terrorisme intellectuel qui existe dans l’université à travers leurs exemples. »

Dans la foulée, la directrice reçoit des centaines de messages d’insultes et de menaces de mort. Dans la foulée de l'émission, on veut « la buter », « l’éliminer » ou lui « trancher la gorge », et dix personnes contre lesquelles la chercheuse a porté plainte seront condamnées. Au procès, la responsabilité de Pascal Praud est plusieurs fois évoquée. « Les chaînes d’info en continu peuvent avoir une vraie influence, tout comme certains journalistes », plaide l’avocat d’un des mis en cause.

Un mode opératoire bien rodé
Bouleversée par cet épisode, Anne-Laure Amilhat Szary décide de ne rien laisser passer. Avec son avocat, Raphaël Kempf, cette professeure à l'université Grenoble-Alpes a porté plainte contre CNews et contre Pascal Praud pour « diffamation ». Selon nos informations, l’animateur sera d’ailleurs jugé le 14 juin prochain devant la 17e chambre du tribunal judiciaire de Paris. Qu’en pense Pascal Praud ? « Je ne répondrai pas à vos questions », balaye-t-il, affirmant ne pas être au courant qu’il est appelé à la barre en juin prochain.

Pierre Mathiot, directeur de Sciences Po-Lille, connaît aussi bien ce modus operandi, puisqu’il en a fait les frais. Qu’a-t-il pu bien faire pour s’attirer les foudres de Pascal Praud ? C'est une prétendue censure des discours de droite qui lui a valu les éructations de l’animateur d’Europe 1 et de CNews. En janvier 2020, la direction de Sciences Po-Lille décide d’annuler une conférence organisée par une association de l’IEP et à laquelle devait participer Geoffroy Lejeune.

À l’époque, Pierre Mathiot justifie sa décision par le fait que Valeurs actuelles, le journal dont Lejeune était le directeur, avait été condamné en 2015 « pour des faits particulièrement graves, après la publication d’un dossier dont il avait été l’un des auteurs ». L’hebdomadaire avait en effet été jugé coupable de provocation à la discrimination, à la violence et à la haine raciale envers les Roms pour un dossier publié en 2013.

Ni une ni deux, Pascal Praud profite de la présence de Geoffroy Lejeune sur son plateau, pour évoquer l’affaire. « Monsieur Mathiot est un militant de gauche à la tête de Sciences Po-Lille qui ne veut pas voir des gens de droite s’exprimer », affirme le journaliste, insistant à plusieurs reprises sur les nom et prénom de sa cible du jour.

Pierre Mathiot devient immédiatement la cible de courriers le menaçant de mort, dont l’un du comité « 732 », un groupe de « patriotes » se réclamant de l’OAS et ayant menacé plusieurs députés de gauche et macronistes. Le standard de Sciences Po-Lille croule sous les appels de téléspectateurs enragés par la décision du directeur de l’école. Sur les conseils des services de police, il décide de porter plainte pour « diffamation, injures et menaces de mort ». « [Pendant quelque temps,] quand je quittais l’école, je regardais autour de moi si on ne me suivait pas », se souvient-il.

« Ce sont des procédés totalitaires, dénonce Pierre Mathiot. Praud désigne des personnes à la vindicte publique, sans investiguer. C’est l’équivalent d’une dénonciation anonyme pendant la guerre, il le fait en sachant parfaitement ce que ça va produire. » Tout juste Pascal Praud avait-il envoyé un message le matin même de son émission au directeur de Sciences Po-Lille pour le « convoquer » sur son plateau, se souvient Pierre Mathiot.

L’une des dernières victimes en date a servi de bouc émissaire pendant les révoltes agricoles du début d’année. Le journaliste a cette fois-ci choisi comme souffre-douleur un député européen et président de la commission environnement, Pascal Canfin.

Qualifié de « militant radical, enragé, irresponsable » par Pascal Praud, le député européen, transfuge des Écologistes, converti au macronisme, a incarné durant des heures d’antenne le technocrate bruxellois, en guerre contre la paysannerie. « M. Canfin a mis tous les agriculteurs de France sur les routes, par une politique idéologique. Les peuples n’ont pas été consultés sur cette politique, c’est une honte et un scandale. Oui, je personnalise. Ces gens nous mettent en danger », vitupère Praud, incluant deux conseillers de Macron, réputés proches de la ligne défendue par l’eurodéputé.

Dans la foulée de ces exclamations bolloréennes, Pascal Canfin est destinataire de messages d’insultes et de menaces de mort par dizaines sur ses réseaux sociaux. Certains lui promettent de lui couper la tête. Une affiche « Wanted » est placardée au salon de l’agriculture avec son nom et celui des deux conseillers. Comme au temps du Far West, où l’on mettait des têtes à prix.

Yunnes Abzouz et David Perrotin

La dernière de la série est une vidéo sur la construction de "l'attentat" de Crépol, du coup compliqué de mettre un transcript.
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witchfinder
posté Hier, 22:20
Message #56245


Dieu tout-puissant
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Je vous signale quand même qu'en France il y a à peine moins de 260 ans, on mourait encore pour avoir blasphémé la religion catholique.


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