IPB

Bienvenue invité ( Connexion | Inscription )

1364 Pages V  « < 1158 1159 1160 1161 1162 > »   
add postStart new topic
Cinéma, Le topic du 7e art
NumeroStar
posté 20/03/2019 16:33
Message #23181


Pilier du forum
****

Groupe : Members
Messages : 10,069
Inscrit : 18/01/2009
Membre no 595
Tribune : Viré du stade



Ma nana m' a poussé hier à aller voir le film singapourien "les étendues imaginaires". J'ai dormi. Rarement vu un truc aussi chiant.


--------------------
.
Go to the top of the page
 
+Quote Post
sukercop
posté 20/03/2019 21:13
Message #23182


Dieu tout-puissant
******

Groupe : Members
Messages : 28,586
Inscrit : 12/01/2009
Membre no 502
Tribune : Non précisée



Citation (Beuzech @ 20/03/2019 15:17) *


Putain, ça bute.
Go to the top of the page
 
+Quote Post
Houdini
posté 21/03/2019 19:07
Message #23183


ROMAN ROY ENTHUSIAST
******

Groupe : Members
Messages : 29,820
Inscrit : 19/01/2009
Membre no 612
Tribune : Canapé



Ces dix derniers jours je me suis fait l’anthologie Melville.
Il s’est passé quoi avec le cinéma français? C’est quoi le délire? Où sont passées les couilles?


--------------------
Flex.
Go to the top of the page
 
+Quote Post
DelSpooner
posté 21/03/2019 19:48
Message #23184


Kylian tout-puissant
******

Groupe : Adhérents CulturePSG
Messages : 36,341
Inscrit : 13/07/2009
Lieu : Plaisir (78)
Membre no 1,152
Tribune : Non précisée





Citation (Houdini @ 21/03/2019 19:07) *
Ces dix derniers jours je me suis fait l’anthologie Melville.
Il s’est passé quoi avec le cinéma français? C’est quoi le délire? Où sont passées les couilles?




chiracsad.gif


Le meilleur pour la fin :



kratos77.gif


--------------------
"I’m a Catholic whore, currently enjoying congress out of wedlock with my black Jewish boyfriend who works at a military abortion clinic. Hail Satan, and have a lovely afternoon madam."
Go to the top of the page
 
+Quote Post
witchfinder
posté 21/03/2019 19:49
Message #23185


Dieu tout-puissant
******

Groupe : Adhérents CulturePSG
Messages : 34,666
Inscrit : 28/01/2009
Lieu : Vinnland
Membre no 723
Tribune : Canapé



Citation (Houdini @ 21/03/2019 19:07) *
Ces dix derniers jours je me suis fait l’anthologie Melville.

41148013dff4d0.gif


--------------------
FUCK OFF AND DIE.
Go to the top of the page
 
+Quote Post
Houdini
posté 21/03/2019 20:42
Message #23186


ROMAN ROY ENTHUSIAST
******

Groupe : Members
Messages : 29,820
Inscrit : 19/01/2009
Membre no 612
Tribune : Canapé




mellow.gif


--------------------
Flex.
Go to the top of the page
 
+Quote Post
Varino
posté 22/03/2019 11:04
Message #23187


Bend It Like Vairelles
******

Groupe : Rédacteurs
Messages : 37,364
Inscrit : 20/12/2008
Lieu : Copenhague, DK
Membre no 15
Tribune : Canapé



Citation (DelSpooner @ 21/03/2019 19:48) *
Le meilleur pour la fin :



kratos77.gif

Je viens de me refaire l'integrale. kratos77.gif cette serie a jamais dans mon pantheon.


Et John Wick 3 41148013dff4d0.gif


--------------------
Culture Bowl II champion
Monarch Bowl I, II champion
Go to the top of the page
 
+Quote Post
Shalashaska
posté 22/03/2019 11:13
Message #23188


Membre habitué
**

Groupe : Members
Messages : 2,952
Inscrit : 10/01/2009
Membre no 228
Tribune : Non précisée



Citation (DelSpooner @ 21/03/2019 19:48) *


chiracsad.gif

mellow.gif mellow.gif mellow.gif

Rarement vu une bande-annonce aussi flinguée. Même les bouses comme Coco (pas celui de Pixar) s'en sortait au niveau de la bande-annonce en compilant les gags mais alors là, c'est le néant.

Il n'a pas eu l'occasion de pomper ses idées à droite à gauche.

Demain, le trailer du nouveau film de Michael Bay va sortir : Dora l'exploratrice ph34r.gif
Go to the top of the page
 
+Quote Post
DelSpooner
posté 22/03/2019 13:01
Message #23189


Kylian tout-puissant
******

Groupe : Adhérents CulturePSG
Messages : 36,341
Inscrit : 13/07/2009
Lieu : Plaisir (78)
Membre no 1,152
Tribune : Non précisée



C’est un fake pour Bay il n’a rien à voir là-dedans.


--------------------
"I’m a Catholic whore, currently enjoying congress out of wedlock with my black Jewish boyfriend who works at a military abortion clinic. Hail Satan, and have a lovely afternoon madam."
Go to the top of the page
 
+Quote Post
Suceur Di Macron
posté 22/03/2019 19:44
Message #23190


Membre accro
Icône de groupe

Groupe : Banned
Messages : 5,621
Inscrit : 07/08/2015
Membre no 10,214
Tribune : Tribune Francis Borelli



Un poil déçu pour Us sinon, peut-être j'en attendais trop après l'excellent Get Out mais là j'ai pas accroché au délire pseudo horrifique sur fond de gros complot...
Go to the top of the page
 
+Quote Post
Noreaga
posté 22/03/2019 19:52
Message #23191


Légende
*****

Groupe : Rédacteurs
Messages : 24,027
Inscrit : 11/01/2009
Membre no 491
Tribune : Non précisée



Trouvé ça bien moyen aussi, par contre je peux pas comparer à Get Out vu que j'ai pas encore vu ce dernier.
Go to the top of the page
 
+Quote Post
SuperThug
posté 23/03/2019 23:19
Message #23192


Brrr
*****

Groupe : Adhérents CulturePSG
Messages : 21,513
Inscrit : 29/12/2008
Lieu : Amiens
Membre no 31
Tribune : Canapé



Citation (Demon Di Mario @ 15/03/2019 05:35) *
Sinon parait que Triple Frontière sur Netflix est leur meilleur film depuis des mois, des avis ?


Je viens de le regarder

Spoiler :
à la fin c'est noté quoi sur le papier? l'endroit où ils ont balancé l'argent de l'hélico?


Sinon c'est pas mal mais comme ça a été dit quelques messages plus tôt c'est un peu téléphoné malheureusement.
Go to the top of the page
 
+Quote Post
Next
posté 24/03/2019 10:02
Message #23193


Pilier du forum
****

Groupe : Adhérents CulturePSG
Messages : 13,495
Inscrit : 29/12/2008
Lieu : Paris
Membre no 37
Tribune : Non précisée



Captain Marvel : du MCU classique. Aussi efficace et divertissant sur le moment qu'oubliable à peine sorti de salle. Brie Larson prend le rôle plutôt bien, même si je ne pense pas qu'elle soit faite pour ce type de grosse machine hollywoodienne. Côté mise en scène ça reste très basique et sans véritables idées. Les FX sur Samuel L. Jackson sont assez incroyables tant on ne les voit plus sur le rajeunissement, par contre certains effets sur l'héroïne de halos et de lumière sont étrangement moins convaincants. Et pas trop aimé non plus ce qu'ils ont fait de Nick Fury, réduit à faire un hommage au genre du buddy movie, quitte à quasiment faire perdre de l'aura au perso. Et étrangement, alors que le MCU reste habituellement plutôt bien ficelé en terme de continuité, là j'ai trouvé que ça rendait certaines décisions du Shield dans les anciens films assez douteuses.

The Death and Life of John F. Donovan : pas un grand Dolan. Il contient pourtant plein de choses et pistes intéressantes dans son développement, sur la façon de parler de cette relation épistolaire sans jamais avoir besoin de la montrer, sur les thématiques autour du paraître des gens célèbres et bien d'autres choses, mais ça part justement tellement dans tous les sens entre les 3 époques de narration qu'il semble se perdre un peu de temps en temps et ne pas réussir à aller au bout de son idée. Pour autant c'est bien filmé et bien joué (même Kit Harington que je trouve généralement pas fameux), cela reste un truc à voir si on apprécie le boulot du metteur en scène, mais rien qui va vraiment rester ou s'avérer marquant dans sa filmographie.
Go to the top of the page
 
+Quote Post
noa
posté 24/03/2019 10:24
Message #23194


Pilier du forum
****

Groupe : Adhérents CulturePSG
Messages : 10,216
Inscrit : 09/01/2009
Lieu : 78
Membre no 151
Tribune : Viré du stade



Citation (SuperThug @ 23/03/2019 23:19) *
Je viens de le regarder

Spoiler :
à la fin c'est noté quoi sur le papier? l'endroit où ils ont balancé l'argent de l'hélico?


Sinon c'est pas mal mais comme ça a été dit quelques messages plus tôt c'est un peu téléphoné malheureusement.


Spoiler :
Je pensais plutôt à la crevasse où ils jettent l'argent à la fin.
Go to the top of the page
 
+Quote Post
Next
posté 25/03/2019 23:22
Message #23195


Pilier du forum
****

Groupe : Adhérents CulturePSG
Messages : 13,495
Inscrit : 29/12/2008
Lieu : Paris
Membre no 37
Tribune : Non précisée



Citation (Demon Di Mario @ 22/03/2019 19:44) *
Un poil déçu pour Us sinon, peut-être j'en attendais trop après l'excellent Get Out mais là j'ai pas accroché au délire pseudo horrifique sur fond de gros complot...


Plus qu'un poil déçu perso. Je suis resté complètement extérieur au délire même.
Je ne dirais pas que c'est mauvais, mais juste que c'est raté.

Je comprends ce que Jordan Peele a voulu faire en terme sous-texte politico-complotiste, et ça aurait pu être cool. Mais sur la forme je n'ai pas du tout aimé. Déjà à cause du ton qui oscille entre suspens/horreur, ni vraiment stressant ni vraiment flippant, et phases comiques qui désamorcent l'ambiance plus qu'autre chose. Et aussi juste parce que la métaphore apporte au moins autant d'invraisemblances sur le premier degré de lecture qu'elle donne de la profondeur au propos. Et venant de Jordan Peele qui avait écrit un scénar suffisamment malin dans Get Out pour obtenir un Oscar, c'est plutôt décevant de voir quelque chose d'aussi mal ficelé.

Reste que c'est joliment mis en scène et que Lupita Nyong'o joue bien (x2).
Le travail sonore est bon aussi. Et la version retravaillée du sample de "I Got 5 On It" très cool.
Go to the top of the page
 
+Quote Post
delux
posté 26/03/2019 02:30
Message #23196


Débutant
*

Groupe : Members
Messages : 1,445
Inscrit : 13/01/2009
Membre no 551
Tribune : Non précisée



Citation (Houdini @ 21/03/2019 19:07) *
Ces dix derniers jours je me suis fait l’anthologie Melville.
Il s’est passé quoi avec le cinéma français? C’est quoi le délire? Où sont passées les couilles?



tu l'as vu ou ?
j'en ai regardé qq uns et j'ai toujours aimé
Go to the top of the page
 
+Quote Post
Houdini
posté 26/03/2019 08:20
Message #23197


ROMAN ROY ENTHUSIAST
******

Groupe : Members
Messages : 29,820
Inscrit : 19/01/2009
Membre no 612
Tribune : Canapé



Je me suis pris le coffret sorti l’an passé un peu partout. Meilleur investissement de mon début d’année avec le livre Sofilm sur Bébel.


--------------------
Flex.
Go to the top of the page
 
+Quote Post
NumeroStar
posté 26/03/2019 11:58
Message #23198


Pilier du forum
****

Groupe : Members
Messages : 10,069
Inscrit : 18/01/2009
Membre no 595
Tribune : Viré du stade




Un article du Monde daté 26/08/2018 (l'été dernier y'avait une très bonne série sur Alain Delon)


« Le Cercle rouge », regards croisés de Jean-Pierre Melville et Alain Delon

La photographie reste toujours aussi frappante. Nous sommes sur le plateau du Cercle rouge, dans une clairière en marge du relais route de Bel-Air, au nord de La Rochepot, en Côte-d’Or. Le tournage a commencé en février 1970, et il faut avancer sans tarder. Jean-Pierre Melville a une date bien en tête pour sortir son film, son deuxième avec Alain Delon. Ce sera le 20 octobre. Pour le premier, Le Samouraï, en 1967, c’était un 25 octobre. Soit, à chaque fois autour, où le jour même, de son anniversaire. Melville croit à la vérité des chiffres et au maintien d’un ordre immanent qui, s’il est respecté, veillera au succès de son film. Ce fut le cas avec Le Samouraï. Ce sera de nouveau le cas, et même mieux, avec Le Cercle rouge, le plus grand succès de sa carrière avec 4 300 000 entrées.

Au milieu de la forêt, le réalisateur ­s’apprête à tourner la séquence où, selon l’improbable cosmologie dont il est le ­concepteur, avec son idée-force d’un hasard objectif, les êtres doivent se rencontrer dans le respect d’un destin décidé par les dieux. Corey, le truand incarné par Delon, tout juste sorti de la prison des Beaumettes, à ­Marseille, remonte à Paris pour retourner dans son appartement, avenue Paul-Doumer. Il arrête sa voiture sur un chemin de forêt. Dans le coffre de sa Plymouth Fury III, propriété, dans la vie, de Jean-Pierre ­Melville, Delon sait que s’est réfugié, à son insu, un autre bandit en cavale. Après avoir faussé compagnie au commissaire Mattei dans le train le ramenant lui aussi de ­Marseille à Paris, Vogel (Gian Maria Volonte) est devenu l’homme le plus recherché par les polices de France.

Dans Le Cercle rouge, la rencontre de trois malfrats – Alain Delon, Gian Maria Volonte et Yves Montand – qui se connaissent à peine relève de l’arbitraire. Leur objectif, le cambriolage de la bijouterie Mauboussin place Vendôme, devient leur chef-d’œuvre. Le piège tendu par le commissaire Mattei, incarné par Bourvil, scelle le sort de ces trois hommes en tragédie.
Melville, son Stetson sur la tête

Sur la photo, Melville, son Stetson sur la tête, le ­visage obstrué par ses habituelles lunettes fumées, apparaît muet, concentré, mélancolique. « Il portait un masque », remarque ­Philippe Labro, qui fut le disciple et l’un des plus proches amis de Melville, à partir de 1969, au moment de L’Armée des ombres, jusqu’à la mort du cinéaste, le 2 août 1973, sous ses yeux, au restaurant, d’une rupture d’anévrisme. « Son chapeau, explique Labro, visait à masquer sa calvitie, ses lunettes fumées son regard, son imperméable ses formes. Cet homme masqué, fasciné par les hommes beaux, avait devant lui, avec Delon, le plus beau visage du cinéma français, à ce point magnifique qu’il n’avait pas besoin de ­masque. »
Alain Delon.
Alain Delon. Corona /Prod DB

Toujours sur la photo, les poings de Melville, bien que rangés dans les poches de son blouson, signalent une véritable ­tension. Le cinéaste se trouve, déjà, au bord de la crise de nerfs. Un état habituel chez cet insomniaque qui déteste les tournages, ­encore plus ceux en extérieurs, car ils l’obligent à se lever encore plus tôt le matin. Si cela ne tenait qu’à lui, Melville déléguerait cette corvée à un imaginaire frère jumeau. Le réalisateur vit la nuit. La journée, il évolue dans la pénombre, les volets clos et, si nécessaire, en clouant des planches sur les interstices pour ne laisser filtrer aucune lumière.

Le monde entier est contre lui, tente-t-il de se convaincre. Sauf Alain Delon

« Quand nous retournions à son domicile parisien de la rue Jenner, raconte Bernard Stora, l’assistant du réalisateur sur Le Cercle rouge, il se mettait en pyjama, se couchait et sa femme, Florence, lui amenait un plateau avec du poulet froid, des frites et de la mayonnaise en tube, car cela faisait américain. Cela prenait jusqu’à minuit, puis il se rhabillait entièrement et disait : “Venez mon coco, nous allons faire le tour du périphérique.” On prenait sa grosse voiture américaine et, là, il s’exclamait : “Ça, c’est l’Amérique !” » Melville manifeste aussi une paranoïa certaine.

Son ­exigence absolue à l’égard de son équipe – techniciens et acteurs – le pousse à s’imaginer entouré d’ennemis. Le tournage du ­Cercle rouge va durer soixante-six jours au lieu des cinquante prévus. « Tout cela, explique le cinéaste, parce que les hommes qui étaient avec moi sur le plateau, les hommes et la femme qui étaient sur le plateau n’étaient pas du tout à la hauteur. » Le monde entier, donc, est contre lui, tente-t-il de se convaincre. Sauf Alain Delon.
Rencontre inscrite dans les étoiles

Il fallait bien que ce soit lui, Delon, pour que Melville, sur le tournage du Cercle rouge, consente à une pause et l’observe, amusé, en train d’ausculter un poignard de samouraï. Quelques années plus tôt, cette arme avait scellé le pacte entre les deux hommes. Le Cercle rouge marque leur deuxième collaboration, trois ans après Le Samouraï, deux ans avant Un flic (1972), ultime film du réalisateur.

Lorsque, durant l’hiver 1966, Melville se rend à l’hôtel particulier d’Alain Delon, au 22, avenue de Messine, dans le 8e arrondissement de Paris, pour lui lire le scénario du ­Samouraï, l’acteur interrompt à un moment le cinéaste en regardant sa montre, constatant l’absence de dialogues jusque-là : « Cela fait neuf minutes que vous lisez le scénario, personne ne vous a interrompu. Ce sera ce film, et pas un autre, que je tournerai. » Delon fait une pause, puis demande : « Quel est son titre ? »« Le Samouraï », répond Melville. Sans dire un mot, Delon prend alors Melville par le bras et lui montre sa chambre. Les trois objets qui la décorent sont une lance, un ­poignard et un sabre de samouraï. C’est comme si le destin du film, acté par les deux hommes, avait été décidé en de plus hauts lieux.

Jean-Pierre Melville repère Delon en 1957, dès son premier film, Quand la femme s’en mêle, dYves Allégret. Il le suit ensuite, au gré de la carrière de l’acteur, à la manière d’une femme que l’on aperçoit, croise régulièrement, en attendant le moment opportun pour l’aborder. C’est à la toute fin des années 1950, avant Plein soleil et la naissance de la star Delon, en le rencontrant par hasard sur les Champs-Elysées, que Melville se décide à lui parler. Il lui fait alors écrire son nom sur son agenda Hermès. Pour tracer un destin. Qui consiste à tourner sous sa direction, le jour où se présentera le projet opportun. En attendant, leur rencontre se trouve déjà inscrite dans les étoiles.
Sous le regard ravi de Delon

Jean-Pierre Melville se dessine une image de Delon qui tient beaucoup à son physique. Le réalisateur est séduit par un certain naturel, une rare sécurité des gestes, des réflexes, des muscles, des nerfs plutôt. En somme, tout ce qui fait que l’on désigne le plus souvent Delon comme « un bel animal ». Mais, au-delà du talent évident, Melville craint le comportement de star de l’acteur, ses caprices sur un plateau. Des craintes effacées dès la première seconde de tournage du Samouraï, le chef-d’œuvre qui va fixer pour toujours le mythe Delon et définir les canons du film noir moderne : contemplatif, hiératique, fétichiste, métaphysique, proche de l’essence de la tragédie, déconnecté du réalisme qui constituait auparavant l’essence même du polar.

Dans la scène d’ouverture du ­Samouraï, le tueur à gages solitaire, éliminant ses victimes les mains gantées de blanc, et personnifié par Delon, quitte le lit monacal de sa chambre aux volets clos, regarde son bouvreuil dans sa cage, se lève, se dirige vers un miroir où il ajuste son chapeau, et ­essuie trois fois son doigt sur son rebord. Melville passe une demi-journée sur ce plan de 3 secondes. Il se place aux côtés de ­Delon devant le miroir, ajuste lui-même le bord du chapeau. Il le rabat. Ou le relève. Une dizaine de prises ne suffisent pas. De nouvelles répétitions sont nécessaires afin d’ajuster le bord du chapeau, plus que jamais l’objet d’un travail de haute précision. Tout cela sous le regard ravi de Delon, dont le goût pour l’abstraction, la précision des gestes élevés au rang de science exacte, correspond aux obsessions de son metteur en scène.

« Nous nous adressâmes très peu la parole, expliquait Melville. Trop occupés à nous déchiffrer. Il y avait pourtant avant chaque scène de courtes conversations à voix basse, dont je me rappelle la musique et la magie. Nous avions l’attente, la complicité mystérieuse. Ce sont des bonheurs rares pour un metteur en scène comme pour un acteur. Ce fut pour moi et, je l’espère, pour lui, une des plus belles lunes de miel que j’ai jamais ­connues. »
« Le solitaire qui dit non »

Melville rêve de Delon. Delon révère ­Melville. L’écart de génération – Delon a 34 ans au moment du Cercle rouge, Melville 53 – fait de l’acteur ce fils que le réalisateur n’a jamais eu. Delon est attiré par les héros de la guerre. Melville, né Jean-Pierre Grumbach, qui a rejoint les rangs de la Résistance en réponse au statut des juifs édicté par Vichy et pour libérer une France occupée par les nazis, et qui a adopté, durant ces années, son pseudonyme, en hommage à l’auteur de Moby Dick, est précisément l’un des héros de la Résistance. Après un passage en zone libre, le futur réalisateur traverse à pied les Pyrénées. Il rejoint Londres et participe à la campagne d’Italie. Melville et Delon partagent une ­admiration commune pour la figure du général de Gaulle, au point, pour Melville, de personnifier l’homme de la France libre dans son ­admirable film sur la Résistance, L’Armée des ombres (1969), réalisé entre Le Samouraï et Le Cercle rouge.

Lorsque Delon achète, en décembre 1970, le manuscrit de l’« Appel à tous les Français »,rédigé à Londres, en juin 1940, par de Gaulle, dans le but de le remettre ensuite au grand chancelier de l’ordre de la Libération, il ­effectue aussi un geste en direction de Jean-Pierre Melville, au nom d’une fascination ­mutuelle, d’une certaine idée de leur pays, d’une manière aussi de se conduire et de diriger son existence. En marge, toujours. « Delon va vers de Gaulle, estime Philippe ­Labro, car, au-delà d’un patriotisme bien compréhensible, le Général est le solitaire qui dit non. Chez Alain, il y a cette référence et cette révérence vers le grand homme. Cela montre très bien qu’il sait qui il est. Au prix de quelles errances a-t-il acquis ce code ? Alain est une personnalité très forte, pas tellement influençable, il trace seul une route. »
Plus que jamais la star absolue aux yeux de Melville

Lors de son passage à Marseille, Melville fréquente le milieu. Cette expérience, qui nourrit ses premiers films, Bob le flambeur (1956) et Le Doulos (1962), plaît à Delon. De son côté, la star ne fait aucun mystère de ses relations avec le grand banditisme. Cet aspect ravit Melville, et encore plus les récents démêlés du comédien avec la justice, à la suite à l’affaire Markovic, au sujet de laquelle le cinéaste se trouve d’ailleurs interrogé par les policiers de la première brigade mobile, en septembre 1969. Delon incarne plus que jamais la star absolue aux yeux de Melville.

L’odeur de soufre qui l’entoure parfait un peu plus son aura aux yeux du metteur en scène, au moment où il le retrouve pour Le Cercle rouge. « Delon, estime Melville, est la dernière “star” que je connaisse ; cela va de soi pour la France, mais je me réfère au monde entier. Il est une “star” hollywoodienne des années 1930. Il a même sacrifié à cette obligation propre aux stars des années 1930 : celle d’entretenir un scandale : “Hollywood ­Babylone !”»

Delon se rend régulièrement, aux ­com­mandes de son hélicoptère, dans la maison de Melville, à Tilly, dans les Yvelines. « Ils voulaient se parler sans moi, raconte Rémy Grumbach, le neveu de Melville. Leur conversation rejetait les autres, ils voulaient être seuls et parler. Cela se sentait très bien. » ­
Bourvil et Alain Delon.
Bourvil et Alain Delon. Films Corona / Prod DB

A propos de Melville, Delon expliquera plus tard : « [Il] connaissait mieux que moi ce personnage qui est en moi. » Un personnage que le réalisateur définit mieux que quiconque, voyant en Delon un homme secret, « replié sur lui-même, introverti dans des proportions qu’il n’imagine certainement pas. Il est de la race qui conserve sa jeunesse intacte et la fraîcheur de son adolescence. Il a retenu l’univers même de son enfance avec ses passions taciturnes et ses mythologies. Il existe chez lui un goût de l’autodestruction tout à fait romantique. Un goût romanesque de la mort qui est certainement dû au fait qu’il a fait la guerre très jeune en Indochine. »
Le code d’honneur est scellé par un regard

Au début du Cercle rouge, une fois sa voiture garée en pleine nature, son coffre ouvert, Delon demande à l’intrus d’en sortir. Il sort de sa poche un paquet de cigarettes et l’envoie en direction de Gian Maria Volonte, qui l’attrape au vol. Puis Delon lui jette son briquet. Une main occupée par le paquet de cigarettes, l’autre par le revolver, Volonte ne peut rattraper le briquet qui tombe par terre. Il hésite, mais finalement range son arme, se baisse et ramasse le briquet. Delon regarde Volonte allumer une cigarette et lui adresse un sourire timide et ému au moment où ­l’intrus lui renvoie le briquet. Ce moment entre les deux hommes n’existe que par cette cigarette, les regards suffisent, le code d’honneur est scellé par un regard.

La scène, magistrale, inoubliable, trouve aussi sa force par ce qu’elle raconte des relations entre Delon et Melville. Une connivence sans paroles. « Sur le plateau, note Bernard Stora, Delon et Melville ne se parlaient pas, car ils n’avaient rien à dire. ­Delon n’était pas intéressé à parler. Melville ne parlait guère. Delon, d’une discipline absolue, était toujours là, disponible quand on avait besoin de lui, connaissant, comme toujours, son texte à la perfection. »

A la différence de la rigueur martiale de son personnage de tueur solitaire dans Le Samouraï, du corset constitué par l’agencement de son chapeau, son imperméable, sa cravate, ses gants, reflet de sa rigidité psychologique, Delon arbore dans Le Cercle rouge des cheveux un peu plus longs, teints en noir, et une moustache. Melville tient à la moustache, un accessoire atypique dans les films de Delon.

L’acteur ressemble tout de même beaucoup à celui du Samouraï, avec le même imperméable Burberry, mais cette fois un peu trop grand, fripé, sanglé à l’extrême. La cravate noire est nouée, mais le col gauche de sa chemise blanche s’échappe de son pardessus – une entorse à rapprocher de la légendaire rigueur melvilienne, qui donne tout son sens à la trajectoire contrainte du personnage incarné par Delon. Trahi par sa compagne, lâché par ses anciens complices, touché par le réconfort d’une cigarette partagée fraternellement avec un inconnu en compagnie duquel il organise le casse d’une bijouterie, Delon n’agit plus pour s’ouvrir les possibles de l’existence, mais pour refermer le livre de sa vie.

Quelque part, ce Delon ressemble à la description si juste donnée par ­Melville : un homme qui a retenu de son ­enfance ses mythologies et affiche un goût romanesque de la mort. C’est souvent ainsi avec Melville. Il y a les ­acteurs qu’il veut et ceux avec lesquels il se brouille à vie. Jean-Paul Belmondo a quitté le plateau de L’Aîné des Ferchaux (1963) après avoir giflé le réalisateur. Lino Ventura n’adresse plus parole à Melville lors du tournage de L’Armée des ombres, et préfère lui payer un dédit plutôt que de le retrouver sur Le Cercle rouge, où il devait tenir le rôle du commissaire ­Mattei, dont héritera Bourvil.
Un héros moderne

Durant le tournage du Cercle rouge, le souffre-douleur ne s’appelle pas Yves Montand ou Bourvil, deux acteurs pour lesquels le ­réalisateur manifestera, après-coup, la plus grande admiration, mais Gian Maria Volonte. L’acteur italien, révélé dans Pour une poignée de dollars, de Sergio Leone, est imposé pour des raisons de coproduction avec l’Italie. ­Melville voit en lui un grand acteur shakespearien, mais un homme impossible, un ­comédien incapable de se placer dans la ­lumière, ne comprenant pas qu’un centimètre à droite ou un centimètre à gauche ce n’est pas la même chose.

Volonte est membre du Parti communiste italien, un engagement qui accentue son éloignement avec le gaulliste Melville. ­Harcelé, humilié par le metteur en scène, dépassé par la tension que celui-ci fait régner sur le plateau, Volonte préfère quitter le tournage. Alain Delon file à l’aéroport d’Orly, où son partenaire s’apprête à prendre le prochain avion pour Rome. L’acteur lui explique ­patiemment que son forfait met, non seulement un terme au film, mais, au-delà, à sa ­carrière. Le lendemain, Delon et Volonte sont de retour aux studios de Boulogne.

Au début du Cercle rouge, le personnage incarné par Delon, sortant de la prison des Beaumettes, récupère ses effets personnels. Dont trois photos du même visage d’une jeune femme que le scénario, écrit par ­Melville, décrit comme étant « tour à tour gaie, pensive, triste, avec un grain de beauté sur la joue ». Peu après, il manque d’abandonner les photos sur le comptoir d’un café. Dans ce film, la rigueur de la mise en scène reflète l’ascétisme de son personnage principal. ­Défait, meurtri, négligé, mais avec élégance. Un héros moderne.

Lorsque Delon retourne chez son ancien complice récupérer de l’argent, la jeune femme se trouve dans la chambre d’à côté. Elle est effectivement pensive et triste, et prend les traits d’Anna Douking. Cette actrice débutante poursuivra sa carrière dans Juste avant la nuit, de Claude Chabrol, et la terminera dans des films érotiques comme La Chatte sur un doigt brûlant. Quand Anna Douking se tourne vers l’ancien ami de ­Delon, une fois ce dernier reparti, elle lui ­demande ce qui se passe, et il répond de ­manière détachée : « Rien, rien. » Effectivement, dans Le Cercle rouge, Delon n’est plus rien. Et en même temps, il est tout.
Rémy Grumbach a été interviewé en 2017, Philippe Labro et Bernard Stora l’ont été en 2018. La citation d’Alain Delon provient d’« Alain Delon », d’Henri Rode (PAC, 1982), celles de Jean-Pierre Melville du « Cinéma selon Jean-Pierre Melville », de Rui Nogueira (Seghers, 1973). Le travail, impeccable de Yannick Vallet, dans son blog, Melvilledelon.blogspot.com, a été d’une grande utilité pour retrouver les détails topographiques et scénaristiques du film.
Alain Delon en six films-cultes : la série du « Monde »



--------------------
.
Go to the top of the page
 
+Quote Post
witchfinder
posté 26/03/2019 20:13
Message #23199


Dieu tout-puissant
******

Groupe : Adhérents CulturePSG
Messages : 34,666
Inscrit : 28/01/2009
Lieu : Vinnland
Membre no 723
Tribune : Canapé



Merci pour l'article.

De Melville, mon préféré est "Le deuxième souffle" pour Lino, mais l'oeuvre entière est extraordinaire.
Houdini, derrière tu dois te faire les H.G Clouzot et t'es bon.

Quant à Delon 41148013dff4d0.gif


--------------------
FUCK OFF AND DIE.
Go to the top of the page
 
+Quote Post
NumeroStar
posté 26/03/2019 20:57
Message #23200


Pilier du forum
****

Groupe : Members
Messages : 10,069
Inscrit : 18/01/2009
Membre no 595
Tribune : Viré du stade



L'article sur Monsieur Klein est excellent :

« Jouer Klein, un rôle de Monsieur ­Dupont, avec son chapeau feutre et sa gueule de con… Vous connaissez ­quelqu’un d’autre pour faire ça ? », déclare Alain Delon à la revue ­Cinématographe, en 1994, dix-huit ans après la sortie de Monsieur Klein, de Joseph Losey.

Oui, il peut y avoir d’autres acteurs. Mais ce qui est sûr, c’est que ce profil d’un marchand d’art sous l’Occupation achetant à vil prix les tableaux de Français juifs aux abois – l’anti-héros par excellence – colle parfaitement à ce comédien atypique et ­imprévisible. Qui aime se décider dans l’instant.

Lorsque le producteur Norbert Saada lui apporte le matin un scénario signé par le réalisateur de Z et de L’Aveu, Costa-Gavras, et Franco Solinas, qui a écrit celui de La Bataille d’Alger (1966), de Gillo Pontecorvo, un film ­interdit en France et qui devra attendre cinq ans avant sa sortie en salle, Delon donne son assentiment le soir même. Avec enthousiasme.

La rafle de 13 000 juifs, voulue par les ­Allemands mais organisée par le régime de Vichy, arrêtés les 16 et 17 juillet 1942, dont plus de la moitié seront emmenés au ­Vélodrome d’Hiver, dans le 15e arrondissement de Paris, puis déportés vers les camps d’extermination nazis, reste, comme l’explique Delon, un sujet brûlant, « qui faisait peur à tout le monde ». Mais le sujet n’entame en rien sa témérité : « Ce film, je devais le faire », déclare-t-il au Monde en 2003.

Il tient tant à s’impliquer qu’il endosse, en plus de celle de vedette, la casquette de ­ coproducteur. Sa décision est impérative, dictée par une responsabilité. Cela n’a rien de surprenant pour un acteur qui a ­autrefois abordé, avec la même urgence, la question de la guerre d’Algérie dans ­L’Insoumis (1964), d’Alain Cavalier, puis dans Les Centurions (1966), de Mark Robson.

« Alain connaissait l’épisode du ­Vélodrome d’Hiver, insiste ­Norbert Saada. Il est né en 1935, il n’a pas feint la surprise. Il avait 7 ans en 1942, le fait qu’il ait été contemporain de cet événement l’avait frappé. Il était au courant de ce qui se passait, des horreurs commises. Il ne découvrait rien. Après avoir lu le scénario, il ne m’a posé aucune question là-dessus. Il savait. »
A rebours du discours dominant sur une France résistante

C’est un autre comédien, et pas n’importe lequel, qui, à l’origine, doit incarner ­Monsieur Klein : Jean-Paul Belmondo. Sous la direction alors de Costa-Gavras. Ce dernier commence, en 1973, avec Franco Solinas, l’écriture d’un film sur la rafle du Vélodrome d’hiver.

Ce tabou, bien réel, d’un gouvernement français qui a assassiné une partie de sa population, car juive, devient une question centrale en France à partir du début des années 1970. Le Chagrin et la Pitié, en 1969, avec sa réception controversée et son impact considérable, est passé par là. Le documentaire de Marcel Ophuls met en avant, à travers la chronique d’une ville française, Clermont-Ferrand, entre 1940 et 1944, des comportements quotidiens pour le moins ambigus, voire de franche collaboration avec l’occupant allemand – à rebours du discours dominant sur une France résistante.

La publication en 1972, aux Etats-Unis, de l’ouvrage fondateur de l’Américain Robert O. Paxton, La France de Vichy, 1940-1944, traduit en France l’année suivante, qui met en avant le rôle central du gouvernement de ­Pétain dans la déportation des juifs, signifie qu’un passé douloureux remonte à la surface. Costa-Gavras et Solinas travaillent d’ailleurs en partie à partir de cet ouvrage. Le tandem cherche un angle lui permettant de raconter le passé vichyste de la France.

Un témoignage du Chagrin et la Pitié frappe Gavras. Un commerçant du nom de Marius Klein fait publier, dans les années 1940, une annonce dans un journal local afin de faire savoir que son nom n’est pas juif. A partir de cette simple histoire, Gavras et ­Solinas trouvent le fil rouge de leur scénario autour de la question de l’identité. Qui est juif ? Qui ne l’est pas ? Qui est susceptible d’être déporté ou pas ? Que faire si un nom ne permet pas de trancher avec certitude ? Klein peut être le nom d’un juif ou d’un ­chrétien. Jean-Paul Belmondo incarnera ­ celui qui, selon l’expression de Gavras, ­ « allait être pris au piège de son nom ».
Un exemple d’inhumanité

Pour des raisons complexes liées, selon ­Costa-Gavras, aux conditions financières extravagantes réclamées par Robert Kuperberg et Jean-Pierre Labrande, à l’origine les deux producteurs de Monsieur Klein, Jean-Paul Belmondo, furieux et blessé, se retire.

Le projet atterrit en 1975 entre les mains de Delon, qui propose naturellement à Costa-Gavras de le mettre en scène. Mais ce dernier, qui a pensé et écrit ce film pour Belmondo, concevant pour lui certaines scènes, préfère se ­retirer, au point d’enlever son nom du ­générique. Un geste compris par Delon.

L’acteur a alors l’idée, brillante, de proposer Monsieur Klein à Joseph Losey. Il le ­connaît, a travaillé avec lui sur L’Assassinat de Trotsky (1972), où l’acteur incarne l’assassin du révolutionnaire russe. Losey fait partie de ses maîtres, en compagnie de René Clément, Visconti et Melville, sous l’autorité desquels l’acteur pense laisser une trace dans l’histoire.

Au début des années 1950, le réalisateur américain fuit les Etats-Unis et le maccarthysme pour échapper à la liste noire. Il s’installe en Angleterre où il tourne au long des années 1960 quelques chefs-d’œuvre parmi les plus achevés de la décennie – The Servant, Accident, Cérémonie secrète.

Ce marchand d’art, Robert Klein, contraint pour survivre de justifier sa véritable identité, se trouve en phase avec plusieurs grands rôles de l’acteur. Delon est si souvent double à l’écran...

Losey trouve dans le scénario de Franco ­Solinas des résonances intimes. La période de l’Occupation symbolise à ses yeux la monstrueuse indifférence de l’homme pour d’autres individus, un exemple d’inhumanité, sur lequel il se documente de manière obsessionnelle, dans le but d’en acquérir une compréhension intime.

Losey s’appuie pour cela sur l’expérience personnelle de ­plusieurs membres de la future équipe de Monsieur Klein : Alexandre Trauner, un juif hongrois qui a clandestinement conçu les décors des Enfants du paradis (1945), de ­Marcel Carné ; la responsable du casting, Margot Capelier, qui a perdu plusieurs membres de sa famille dans les camps ; Claude Lyon, directeur de laboratoire à LTC, dont la mère est morte en déportation.
Alain Delon.
Alain Delon. LIRA - NOVA / PROD DB

En outre, ce profil d’un citoyen pris pour un autre, qui a confiance dans son gouvernement et les institutions de la France, dont la famille « est française et catholique depuis Louis XIV », cet individu confondu avec un homonyme juif, trouve chez Losey un écho avec le maccarthysme où, parfois, des individus portant juste les prénom et nom d’une autre personne figurant sur la liste noire se trouvent privés de leur travail.

Franco Solinas a été membre du Parti ­communiste italien. Losey avait rejoint le Parti communiste américain dans les ­années 1940 – un choix qui scelle son sort dans son pays natal. Alain Delon, dont les opinions politiques penchent à droite, est loin de cette sphère. Seul le critère artistique importe à ses yeux. Et c’est lui, avec la double casquette de vedette et de coproducteur, qui permet à cet alliage improbable mais si ­probant – un scénariste italien, un metteur en scène américain, une star française – de concevoir le plus grand film jamais réalisé sur la France de Vichy.

L’acteur, révélé dix-sept ans plus tôt avec « Plein Soleil », dans la lumière éclatante de la côte amalfitaine, croise, cette fois, le soleil noir de la déportation

Lorsque Monsieur Klein est annoncé, le film arrive en fin de comète sur la période de l’Occupation. Dans la foulée du Chagrin et la Pitié sortent sur les écrans Lacombe Lucien (1974), de Louis Malle, d’après un scénario de Patrick Modiano ; Les Guichets du Louvre (1974), de Michel Mitrani, sur la rafle de juillet 1942 déjà ; Section spéciale (1975), de Costa-Gavras. Mais, loin d’arriver en retard, Monsieur Klein surplombe cet ensemble et le domine.

Joseph Losey est si frappé par le discours du président de la République Valéry Giscard d’Estaing prononcé le 18 juin 1975 à ­Auschwitz qu’il lui écrit pour lui demander l’autorisation d’utiliser dans son film le ­passage relatif à la rafle du Vél’d’Hiv. Le chef de l’Etat évoque une tache noire dans l’histoire de France qui ne peut se dissiper tant elle traverse les histoires individuelles : « Nous les avons vus partir ; je les ai vus partir. Le matin du 16 juillet 1942, nous avons été réveillés par le bruit inhabituel des autobus parcourant avant le lever du jour les avenues de Paris. On y apercevait des silhouettes sombres, avec leurs manteaux et de petites valises. Quelques heures plus tard, on apprenait qu’il s’agissait de juifs qui avaient été arrêtés à l’aube et qu’on rassemblait au Vélodrome d’Hiver. J’avais observé qu’il y avait parmi eux des enfants de notre âge, serrés et immobiles, le regard écrasé sur la vitre, pendant la traversée de cette ville glacée, à l’heure faite pour la douceur du sommeil. Je pense à leurs yeux noirs et cernés, qui sont devenus des milliers d’étoiles dans la nuit. »
L’occupant nazi reste invisible à l’écran

Giscard donne son accord à Losey, mais ce dernier, sur l’insistance de Franco Solinas, abandonne l’idée. Sans doute pour cette raison : à l’instar de son prédécesseur à l’Elysée, Georges Pompidou ou, de son successeur, François Mitterrand, Giscard ne souligne ­jamais la responsabilité de l’Etat français dans la déportation des juifs – Jacques Chirac sera le premier chef d’Etat à le faire.

Dans Monsieur Klein, au contraire, l’occupant nazi reste invisible à l’écran, entièrement occupé par la police et l’administration de Vichy. Car la rafle du Vél’ d’Hiv est une histoire française. Une histoire aussi sans image. Il n’existe comme document visuel qu’une seule photographie de l’événement.

Cette rafle, effectuée à huis clos, à l’aube, ­profitant du calme de l’été, s’est efforcée de ne laisser aucune trace. Même le vélodrome est détruit en 1959, obligeant l’équipe du tournage à tourner la scène au vélodrome Jacques-Anquetil, à Vincennes. Ainsi, ­Monsieur Klein reconstitue ce qui a été ­effacé.
Une cohérence d’un film à l’autre

« L’idée de jouer quelqu’un qui découvre qu’il a des origines juives me séduisait beaucoup, dit Delon. Je trouvais l’évolution du personnage très forte. » Ce marchand d’art, Robert Klein, contraint pour survivre de justifier sa véritable identité, se trouve en phase avec plusieurs grands rôles de l’acteur.

Delon est si souvent double à l’écran… Dans Plein soleil (1959), de René Clément, il tue son ami pour endosser son identité. Avec La Tulipe noire (1964), de ­Christian-Jaque, il fait face à un frère jumeau, ou dans William Wilson, le segment ­d’Histoires extraordinaires (1968), adapté d’une nouvelle d’Edgar Poe et réalisé par Louis Malle, Delon est confronté à son ­ double. Il y a surtout ses rôles chez Melville, dans Le Samouraï et Le Cercle rouge, et chez Visconti, avec Le Guépard, déjà abordés dans cette série, où l’acteur croise systématiquement un miroir, contemplant son propre ­reflet, dans le vertige d’une identité toujours plus indiscernable.

Avec Monsieur Klein, Delon se lance à la poursuite de son ombre, d’abord pour la confondre, ensuite pour l’accompagner dans son destin funeste. Au point de rejoindre son double dans un train de déportation. Le dialoguiste Pascal Jardin notait, au sujet de Delon : « Tous les personnages qui cohabitent en lui s’entendent mal entre eux. »

Pour cet acteur qui bâtit sa carrière en stratège, et aussi en auteur, dressant une cohérence d’un film à l’autre, pour dessiner son autoportrait, Monsieur Klein devient ce film ­impossible à refuser. Il confronte Delon à l’urgence de l’histoire, et à sa propre histoire, en posant toujours la même question : qui suis-je ?

Lorsque Delon/Klein achète pour une somme dérisoire auprès d’un juif une toile d’Adriaen van Ostade représentant le ­portrait d’un gentilhomme hollandais ­raccompagnant son vendeur à la porte, il s’arrête devant un miroir accroché dans le vestibule et y contemple son visage livide, défait. Il se demande pour la première fois qui est Robert Klein.

Plus tard, au moment de quitter La Coupole, il est confronté au même reflet, dans la vitrine du restaurant où il dîne avec ses amis et sa maîtresse. Michael Lonsdale, qui incarne son avocat, chargé de trouver les extraits de naissance de ses grands-parents afin de prouver que son client n’est pas juif, se souvient de l’insistance de Delon pour filmer ce reflet. Delon dit : « Non, la caméra, là, ce n’est pas mon bon profil, il faut la mettre là, parce qu’il y a un reflet dans la glace. » Losey lui répond : « C’est moi le metteur en scène. » Et Delon : « Oui, mais moi je suis le producteur. » « Delon, ajoute Lonsdale, était avec son garde du corps et ses chiens. J’ai voulu caresser le chien. Delon m’a répondu :“Touche pas, il mord.” »
« Ce personnage est très complexe, Alain l’est aussi »

En 2014, Delon confie au Figaro, à l’occasion de la ressortie sur les écrans de ­Monsieur Klein, une photo de tournage. ­L’acteur est assis, avec le manteau de cachemire beige qu’il porte la plupart du temps dans le film. Son père, à côté de lui, l’observe, fasciné par les multiples personnalités de son fils.

Delon semble ailleurs, comme happé par le personnage qu’il incarne. La photo est affichée dans le bureau de l’acteur. C’est l’une des rares dont il ne se sépare jamais. A la veille d’être englouti dans la rafle du Vél’ d’Hiv, Monsieur Klein contemple une dernière fois la toile d’Adriaen van Ostade, représentant ce gentilhomme qui pourrait être son père.

« Il est difficile de dire qu’il y a beaucoup d’Alain dans le personnage, puisque celui-ci n’est pas très plaisant, et je ne veux pas du tout dire cela, confie Joseph Losey à Michel Ciment dans un livre d’entretiens. Mais ce personnage est très complexe, et Alain l’est lui aussi – c’est mon avis, qu’il ne partage peut-être pas – une personnalité assez autodestructrice et à la recherche de sa propre identité. Tous les aspects de sa vie sont d’une grande complexité et souvent contradictoires. Par exemple, c’est un acteur très coopératif, mais il y eut deux ou trois jours où il ne l’a pas été. Un jour, je lui dis :“Qu’est-ce qui ne va pas Alain ? – Rien.”J’insistai, et il me répondit : “Oh ! Je me trouve merdique, et tout le monde est merdique, sauf vous, évidemment ! – Que voulez-vous dire ? – Il y a des jours où je me trouve merdique, où je trouve le monde entier merdique, et tous les gens, et le cinéma, et je n’aime pas ce décor, et rien de tout cela ne me plaît.” »
« Il est une tragédie »

Sur le tournage, Joseph Losey fait donc face à un Delon coopératif et complexe. Le réalisateur américain écrit à son épouse, Patricia ­Losey, à la date du 22 janvier 1976 : « Hier fut une de mes pires journées professionnelles, bien que le travail en fin de compte se soit avéré bon. Comportement de la part d’Alain qui nous a retardés de pratiquement une demi-journée et a failli arrêter le film. Je n’ai pas la moindre idée du pourquoi, sauf, peut-être, son ego. (…) Au cas où tu t’inquiéterais à propos de ce que je t’ai dit plus haut concernant Alain, il se comporte parfaitement bien avec moi, est plutôt un homme brisé et triste. Il est une tragédie. »

Monsieur Klein est présenté en compétition au Festival de Cannes en 1976, l’année où Taxi Driver, de Martin Scorsese, remporte la Palme d’or. Delon n’effectue pas le déplacement sur la Croisette pour un film qu’il n’a pas encore vu. Costa-Gavras, qui fait partie du jury présidé par Tennessee Williams, bataille pour que Delon obtienne le prix d’interprétation. Mais il n’y parvient pas : « Il y a eu une ­levée de boucliers contre Delon. Pour des ­raisons politiques peut-être. Il méritait tellement ce prix… »

Lorsque l’acteur découvre plus tard le film dont la sortie est fixée au 27 octobre 1976, il est enthousiaste. « Il a remercié Losey d’avoir réalisé un grand film, se souvient Pierre-William Glenn, le caméraman de Monsieur Klein. Son bonheur de se voir dans ce film-là était évident. Il était ravi. Il avait le sentiment d’avoir participé à une œuvre qui resterait dans l’histoire. » Avec 700 000 entrées en France, c’est un échec, ouvrant chez Delon une blessure jamais refermée. « Des années après, déplore Delon, quand ça passe à la télévision, on vous dit des choses du genre :“Oh mais dites-moi, Monsieur Klein, c’est magnifique !”Que n’y sont-ils allés à la sortie ? »

Sur l’affiche du film, le visage de Delon ­apparaît au milieu d’une étoile de David, comme prisonnier d’un destin et d’une ­histoire implacables. Avant de lui montrer l’affiche, tout le monde dit à Norbert Saada que jamais Delon ne l’acceptera : trop ­sombre, pas assez commerciale. « Mais il a écrit dessus dans l’instant : “Bon pour accord”. »

L’acteur, révélé dix-sept ans plus tôt avec Plein soleil, dans la lumière éclatante de la côte amalfitaine, croise cette fois le soleil noir de la déportation. Une manière de clore une histoire. Son histoire.





--------------------
.
Go to the top of the page
 
+Quote Post

1364 Pages V  « < 1158 1159 1160 1161 1162 > » 
add postStart new topic
1 utilisateur(s) sur ce sujet (1 invité(s) et 0 utilisateur(s) anonyme(s))
0 membre(s) :

 



Version bas débit Nous sommes le : 28/03/2024 13:32